Elle avait bien passé dix minutes à tourner en rond dans le hall de ce bâtiment si bizarre, à imaginer les lieux une dizaine d'années auparavant, son entreprise en plein essor, du monde à l'accueil vous invitant à vous approcher et toujours prêt à vous indiquer le chemin à prendre, l'étage où se rendre pour votre rendez-vous avant d'être interrompu par une sonnerie de téléphone. Même si elle avait une imagination débordante et qu'elle arrivait à mettre toute cette histoire en scène dans sa tête, le décor dans lequel elle se trouvait était bien loin de tout cela...Des murs totalement repeints de graffitis en tous genres, sombres et peu accueillants eux. Il y avait même des signes tribales, des symboles remontant surement à une époque ancienne et dessinés par des fanatiques. Sur le sol, une couche de poussière, voire même peut être un peu de cendres, des traces de pas mouillés collant toutes ses particules en de grandes traces noires sur le vieux carrelage fissuré. Toutes ces traces menaient vers un seul endroit, un espèce de petit ascenseur, loin du standing que devait avoir cet immeuble dans une époque révolue. Surement un ascenseur de service...

Elle avait bien passé dix minutes, les yeux écarquillés parcourant chaque coin de la pièce, la bouche a demi ouverte. Mais maintenant qu'elle avait repéré cet ascenseur, elle n'avait qu'une envie, explorer ce bâtiment sans vie qui renvoyait pourtant des ondes puissantes. Ses petites chaussures blanches claquant discrètement sur la carrelage, elle s'avança vers cet ascenseur, une pointe de curiosité dans le regard. Il marchait encore ? En tout cas, le bouton d'appel s'illuminait comme s'il y avait encore du courant. N'hésitant même pas quelques secondes, elle appuya sur le bouton, espérant une réaction.

Celle-ci ne se fit pas attendre, la porte coulissante s'ouvrit. La jeune fille jeta un coup d'œil à l'intérieur. Nickel, parfait état de marche et presque propre, étrange... Elle eut enfin un semblant d'hésitation. Que se passerait-il s'il y avait un accident, si l'ascenseur se bloquait ou si l'un des câbles lâchait ? Bizarrement, elle entra tout de même sans craintes dans la cabine. Flocon réagit enfin. N'étant guère rassurée dans cet habitat et encore moins lorsque sa maîtresse pénétrait dans une drôle de pièce toute petite qui n'était pas présente lors de leur arrivée, la petite bête couru vers Ambre et essaya de trouver une prise sur les chaussures de la jeune fille pour pouvoir la tirer en dehors de l'habitacle. Malheureusement, il était trop tard, la porte se referma sur elle...

Une fois la porte refermée, Ambre, qui n'était pas inquiète de ce qui allait se passer pour deux sous, – parce qu'en même temps, elle montait juste dans un vieux bâtiment désaffecté non ? - prit Flocon dans ses bras pour le rassurer et lui gratouilla un peu le dessus de la tête, entre les deux oreilles. Enfin, elle leva les yeux sur mes boutons disposés sur le mur. Quel étage choisir ? Bonne question. Levant les yeux, en pleine réflexion, Ambre décida de s'en remettre au hasard, elle ferma les yeux et utilisa la patte de Flocon pour appuyer sur un bouton. Et le numéro gagnant est ... *roulement de tambours* ... le n°2 !

La jeune fille sentit les petites secousses de l'appareil. Il marchait à la perfection, pas un seul petit bruit suspect. Alors, il s'arrêta et la porte s'ouvrit. Ambre en laissa tomber son animal. Bouchée bée, les yeux écarquillés comme jamais, elle restait plantée là, devant ce spectacle insensé. Que faisait des arbres dans un bâtiment ? Où était le parquet, les fenêtres, les murs blancs couverts de graffitis ? Où était-elle tombée ?! Elle avait beau se savoir amnésique, elle savait qu'elle ne délirait pas quand les dernières images lui venant en tête était le moment où elle entrait dans un bâtiment désaffecté avec sa petite boule de poil...

Le seul mur visible de la pièce était celui qui portait l'ascenseur, et encore fallait-il que les autres eussent existé car entre ces jeunes et vieux arbres entremêlés, on ne distinguait rien d'autre que la profondeur du bois, le sol de terre poudreuse qui avait l'air d'être bien peu emprunté, les ronces, houx et autres espèces de sous bois semblaient vivre en toute sérénité entre les chênes, hêtres et noyers qui peuplaient ce bois. Des arbres de tout taille, toute forme, des plus droits aux plus tordus et autres entremêlages des branches donnant des formes saugrenues ou mêmes inquiétantes avec les ombres du paysage. Tout ce paysage était bien calme, une légère brise faisait onduler les feuillages au gré des courants d'air mais aucun bruit ne vint à ses oreilles.

- Une forêt ? Dans un bâtiment ? Se demanda-t-elle toujours septique mais émerveillée par ce paysage. C'est trop calme, je n'aime pas trop ça... Flocon, tu penses qu'il y a des dangers à craindre ici ? Continua la jeune fille en s'accroupissant à côté de la bestiole qui se frottait le museau avec ses pattes. Sa chute lui avait quelque peu amoché le nez...

Elle lui passa une main douce sur le sommet de sa petite tête et se releva, le regard tourné vers la sombre profondeur de la forêt. On en voyait pas le bout, pas un rayon de lumière de l'autre côté du petit sentier qui prenait sa source à ses pieds, l'invitant à continuer sa route en s'enfonçant dans le sous-bois. Et c'est ce qu'elle fit. Un petit pas lent et pas très assuré, deux petits pas délicats et hésitants, la voilà pénétrant dans le sentier entre deux parties de bois. Flocon la suivait lentement dans sa progression, les yeux et le nez aux aguets, et tournait la tête en tous sens et flairait la moindre odeur étrange qui passait sous son nez, trop inquiet pour la sécurité de sa maîtresse et la sienne.

Un bruissement de feuilles, qui n'était pas du à la brise s'entendit à sa gauche. Vivement, Ambre tourna la tête pour voir si un animal se cachait par là et Flocon fit un arrêt sur image. La truffe en l'air, il flaira l'odeur dans la direction du bruit mais apparemment rien ne l'inquiéta plus que auparavant donc il n'y avait pas de danger immédiat. Tout au contraire, le son d'un sabot foulant le sol à quelques mètres de là sur sa droite le fit frissonner. Un bruit de sabots ? Peu d'animaux en possédait... un cheval peut être ? Etait-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle d'entendre un tel son ?

- Flocon, j'ai peur, il faut sortir d'ici, je ne suis pas rassurée...

Ayant comme l'impression d'être suivie, Ambre se retourna lentement, un peu névrosée mais pas réellement apeurée, en tout cas, sur le moment, car quand elle vit derrière elle une jeune fille surement plus vieille qu'elle, habillée de guenilles en peau et surtout, avec un couteau à la main ! La réaction de Flocon ne se fit pas attendre, il baissa ses oreilles en arrière et s'interposa avec courage entre sa maîtresse et l'inconnu, feulant quelques secondes.

Terrorisée par cette personne sortie de nulle part ayant une arme entre les mains, Ambre était paralysée par la peur et la stupéfaction, elle n'avait d'ailleurs pu s'empêcher de retenir sa respiration, droite comme un « i », les yeux écarquillés de frayeur. Qu'allait-il se passer ? Que lui voulait cette fille ? Qui était-elle pour être habillée d'un tel accoutrement ?
Attendant son heure venir ou quoi que se soit d'autre qui devait se passer, elle restait là à regarder la jeune fille. Mais celle-ci, contrairement à ce qu'elle redoutait, finit son geste et rangea son couteau d'une manière tout à fait naturelle et avant même de lui dire un mot, elle émit un faible et long sifflement. A la seconde suivante, un cheval sortit effectivement des buissons. Sur ce coup, Ambre avait eu une bonne intuition, quant à son animal de compagnie, il se réfugia dans ses jambes, voyant arriver le destrier.

- Salut, si je t’ai fait peur je m’en excuse. Enfin, mon cheval plutôt. Je t’observe depuis un moment… tu es nouvelle n’est-ce pas ? Dit-elle enfin.

Ambre, quelque peu soulagée - mais vraiment très légèrement - tenta de bredouiller quelques mots, mais ne sachant que dire, elle n'insista pas voyant que rien ne voulait sortir de sa bouche. Alors elle était épiée depuis qu'elle avait pénétré dans ce monde étrange ?
La fille en face d'elle se passa une main sur sa nuque, peut être avait-elle une crampe ou était-ce tout bonnement machinal...? Faisant mine de repartir, elle reprit.

- En tout cas, il ne faut pas rester là, si jamais une personne mal intentionnée arrivait par l’ascenseur, on serait mal, et puis tu n’as même pas d’arme.

Des personnes mal intentionnées ? Pas d'arme ? Ambre n'eut pas le temps de réagir que la « sauvage » l'emmenait plus profond dans la forêt. Devait-elle lui faire confiance ? Aucune idée. En tout cas, elle n'avait personne d'autre à suivre et Flocon était aussi perdue qu'elle. Elle n'avait apparemment pas grand choix, surtout qu'elle se faisait littéralement trainer... Ne pouvant que suivre, elle reprit le cours de ses pensées sans émettre un seul mot. Pas d'armes ? Mais pourquoi aurait-elle eut une arme ? En tout cas, vu le ton que me fille avait pris, cela devait être essentiel dans ce monde, mais elle n'avait pas l'intention de s'attarder, il suffisait juste qu'elle s'explique avec sa kidnappeuse.

La suivant bêtement, elle continuait à réfléchir. Oui, elle était montée dans cet ascenseur par curiosité, pour rêver d'aventure, mais voilà, l'aventure se trouvait être dangereuse et était loin de ressembler à celles de ses rêves. Oui, là, elle n'en voulait plus de l'aventure, elle était sevrée pour le moment ! Elle se retrouvait dans un immeuble qui l'avait conduit dans une forêt et voilà maintenant une jeune sauvageonne qui l'emmenait dieu ne sait où derrière elle ! Décidé à reprendre ses esprits et à mettre certaines choses au clair, Ambre prit son courage à deux mains et des mots sortirent enfin de sa bouche :

- Mais... où m'emmène-tu comme ça ?

Effectivement, on aurait pu se dire que malgré que cette question était intéressante – ou plutôt la réponse qui devait la suivre – on pourrait se dire que ce n'était peut être pas la première à poser. Enfin, il fallait bien commencer quelque chose et Ambre voulait garder ses questionnements les plus profonds et curieux pour le moment où il n'y aurait plus de marche effrénée et qu'elle serait enfin posée quelque part.